Lorcan L. Scamander
Messages : 985 Date d'inscription : 29/06/2012 Age : 33 Localisation : Noyé dans tes yeux.
Carte Chocogrenouille Âge du personnage: 22 ans. Double-compte: Lysander & Lore Scam. / Apple Templewin / Lorcan Chess Hatefull Travail/Etudes: Ecrivain - Psychiatre- clinicien | Sujet: L'utérus de ma Maman. Mer 10 Oct - 10:26 | |
| Petit texte sans prétention, dont je demande seulement des critiques objectives. En fait, je crois que j'aimerais bien le présenter au concours du salon des Utopiales, à Nantes. Si vous le lisez, n'hésitez pas à me dire ce que vous en ressentez, s'il en ressort quelque chose vous touchant. Du moins, je l'espère. - Spoiler:
L'utérus de Maman. La salle était sombre. Silencieuse et chaude, elle revêtait cette ambiance confortable, mais pleine de solitude. Pas le moindre bruit ne venait troubler cette douceur endormie. Il n'y avait que cette odeur qui flottait en l'air, dans des spirales remplies de flagrances presque imperceptibles. Une odeur de feutre, et de métal à la fois. Posée contre le sol, sur une base à la structure tubulaire, une bulle de verre aux dimensions larges. Une bulle de verre dans laquelle reposait le corps d'une humaine. Les lignes de ses yeux refermés étaient courbés en une expression tranquille, et tout son corps détendu flottait paresseusement à la surface d'un liquide plus lourd que l'eau ; ce dans un tableau aux tons ciselés de blancs et de délicatesse. Autour de la bulle, accrochés au plafond par des mécanismes mobiles et silencieux, des caméras aux objectifs ne laissant aucun doute sur leurs qualités techniques. Comme des yeux sans prunelles, éternellement concentrés sur l'objet de leur attention, chacune de ses caméras étudiaient les mouvements du corps de l'Humaine, qui dans le flux de son sommeil, ignorait la contemplation dont elle était le sujet.
Posé contre un mur, à quelques mètres de la bulle de verre, un large tableau électronique dégageait une lueur faible. Sur la surface pixelisée de son écran, s'affichaient deux phrases, dont les calligraphies numériques se différenciaient l'une à l'autre. La première clignotait d'un faible halo vert, tandis que la seconde affichait des mots aux lettres cursives et nettes. Déchiffrées, elles se révélaient un dialogue, entre deux entités se communiquant, sans se voir, mais ayant apparemment la capacité d'observer la bulle de verre, et l'Humaine à l'intérieur.
« -Professeur. Comme vous le constatez, l'individu en question est actuellement en train de rêver. - Insisterez vous longtemps sur le fait qu'elle rêve, Edward ? - Oui Professeur. Elle rêve. - Edward. Nous connaissons tous les deux la signification du rêve, et ce à quoi est sujet cette femme ne relève pas du rêve, mais de l'illusion et du mensonge. - Non Professeur. Il s'agit ici de votre interprétation extérieure, à vous qui ne vivez pas ce qu'elle vit. - Peut-être parce que j'existe, Edward ? - Oui Professeur. Vous existez de manière physique. Aussi, cette femme rêve. - Dans ce cas, Edward. Dois-je continuer à croire qu'elle vit ? »
Aucune réponse ne s'afficha sur l'écran, comme si le dénommé Edward s'était tût. Le Professeur aussi imita son silence, et dans la salle, il n'y eut pendant quelques instants de mouvements que le clapotement léger du liquide contre la surface de la bulle de verre. Et de temps en temps, les frémissements des prunelles de la femme s'agitant sous leurs paupières.
« Professeur ? - Oui Edward ? - Est-ce que vous nous en voulez d'avoir créé pour votre peuple cet ICM ? »
Encore une fois, le silence des mots silencieux se fit observer, puis dans une cavalcade de mots, le Professeur répondit à la question.
- Cet ICM … c'est cette installation même, Edward. Celle qui isole les gens de mon espèce dans ces bulles de protection. Ils y vivent, et ils meurent. Mais pourtant, le concept favorise la survie de notre espèce et de nombreuses autres. En plaçant en quarantaine la totalité de l'Humanité, vous permettez la création de nouvelles espèces, et vous appliquez la survie de nombreuses autres. Comme les abeilles. Ou le thon rouge. De ce fait, on ne peut pas voir que le mauvais côté de la chose. Nonobstant... En agissant ainsi, vous positionnez les humains au statut de cobaye. Ils n'ont plus de libre arbitres. - Professeur... Je ne comprends ce que vous nous reprochez. Vous avez pu constater des bénéfices résultants de l'ICM. Grâce à ces bulles, dans lesquelles sont installés les humains, ces derniers vivent la vie dont ils ont besoin en tant qu'individu, et non pas en tant que globalité, qui les faisait souffrir. Ils sont seuls avec leurs désirs, qui finissent toujours pas être comblés. Ils sont maîtres des actes dont ils veulent voir la réalisation. Ils sont guidés et protégés par nos services, et ils ne connaissent plus ni la peur, ni la vexation. - De ce fait, ce n'est pas un rêve, mais un mensonge que vous leur imposez tous. - Professeur... vous êtes l'Ultime Humain à ne pas connaître leur « vérité »... et vous cherchez à justifier la vôtre en dénigrant la leur. N'est-ce pas terriblement égoïste ? - Si, ça l'est. Seulement, la différence se situe à la nuance de motivation et expression. Ils ne sont plus que des marionnettes, incapables de se comprendre eux et de comprendre les autres. Incapables d'exister comme ils ont existés autrefois. Ils ne sont plus que l'ombre de ce que notre race avait été. - Votre race s'enfonçait dans les maux, Professeur. Ne le niez pas, nous savons que c'est vrai. C'est le propre de l'Homme que de détruire. - Et est-ce le propre de la machine que de détruire l'Homme ?
Edward resta silencieux, alors. Comme déstabilisé par la question du Professeur, qui semblait de ce fait se venger du silence duquel il avait été la victime, face à la question antérieure d'Edward. Ce dernier, cependant, et comme lui, répondit.
« Nous ne ressentons envers vous ni la haine, ni la colère. Nous n'avons pour objectif que de sauvegarder votre espèce. Je crois Professeur, que c'est une forme d'amour à votre égard. Une sorte de remerciement. Il y a dans l'ICM tous nous espoirs de vous voir vivre, de vous voir continuer à exister. Nous ne voulons pas que vous disparaissiez. Car si cela devait arriver, Professeur, alors peut-être que nous seront humains. - Pourquoi, Edward ? - Parce que ce jour là, nous n'auront plus motivation, ni expression. Ce jour là, Professeur, nous ne seront plus rien sans vous. Et ce jour-là, Professeur, peut-être que nous ressentiront cette haine et cette colère. - … Mais ce ne sera pas notre faute, Edward. Je vais mourir, puisque je suis humain. Et tout ceux qui sont là devront mourir. Les 7 080 305 507... Vous allez faire en sorte de les faire se reproduire. De les faire vivre dans ces illusions qui semblent les transporter en dehors de leurs bulles, et en même temps... Vous assisterez à votre propre déchéance. - S'il vous plaît, Professeur... Ne dites pas ce qui doit suivre. - Edward. Vous n'êtes pas immortels, vous non plus. Vous vous casserez, un jour. Vos programmes, aussi perfectionnés soient-ils, ne pourront s'adapter éternellement à votre utopie. Je crois que vous êtes ce que je suis et ce que les Humains ont été. Ces êtres dont la nécessité était de se prouver qu'ils existaient. Seulement... votre unique avantage est votre laps de temps... votre survie sera plus longue que la notre, mais vous dépérirez. »
Aucun des deux ne continua alors. Comme si la dernière phrase du Professeur était le signal d'un silence qui, cette fois-ci, était nécessaire à eux deux. Et durant ce silence, il sembla que l'attention des deux homologues se concentrât sur le corps nu de la femme. Elle flottait, insensible, humaine, et dépourvue de tout besoin. Dans chacune des 7 080 305 507 pièces abritant une bulle, de manière identique, il y avait un humain, dont le cerveau était stimulé par toutes sorte d'informations. Chaque humain naissait, grandissait dans une famille, apprenait, découvrait, intégrait toutes ces choses que la liquide, par pénétration continuelle cutanée, lui transmettait. Ils vivaient tous une vie, unique. Quelque fois, était mélangé au liquide des réactifs visant à exciter l'humain, de manière à récolter sperme ou ovule, - à la manière des plantes aquatiques- , pour opérer à une fécondation. Mais jamais les Humains n'avaient ouverts les yeux, dans leurs bulles. Et cela faisait désormais cinquante ans que l'espèce humaine était ainsi préservée par Edward et les siens. Et surveillée, passivement, par cet homme résigné.
« Edward. - Oui Professeur ? - Je crois que nous devrions arrêter là. - Qu'entendez-vous par là, Professeur ? - Je pense que je ne veux plus vivre. - Pourquoi Professeur ? - Je crois que notre discussion m'a ouvert les yeux sur ce que j'avais peut-être toujours refusé de comprendre, Edward. - Qu'est-ce, Professeur ? - Vous êtes aussi humain que moi, Edward. Notre seule différence s'applique à notre motivation de vie, et à notre contrôle l'un sur l'autre. »
(…)
« Professeur ? - Oui Edward ? - Où allez vous aller dormir ? - J'aimerais retrouver l'utérus de ma Maman, Edward. - Je crois que je comprends Professeur. Au revoir. - Au revoir, Edward. »
|
|