L’automne de ma conception.
La déchéance de ce que serait ma vie.
Chapitre un.
Un point s’abattit sur la table. Un hurlement de colère qui n’atteignait pas cette femme, faiblement assise sur une chaise de bois vieilli. Une frustration telle qu’il était possible de la ressentir dans son être tout entier. Simple embryon préalablement conçu, il lui était possible de ressentir le mal être de sa génitrice, parcourant comme un frisson l’échine de chaque recoin de son corps. La table ne tenait plus. Elle s’effondra au sol dans un éclair jaillissant d’un bout de bois, en mille et un minuscule débris qui se répandirent sur toute la surface. La peur. C’était plus qu’un sentiment de peur. Ca lui parcourait le long de la colonne vertébrale comme une lame pouvait vous parcourir la peau sans vous infligez la moindre cicatrice.
Farringdon Road, rue longeant le parc de Coram’s Field à Londres. Une maison des plus lugubres vue de l’extérieur, que peu de gens osaient approcher. Elle était réputée pour abriter des personnalités dérangeantes, particulièrement étranges, douées d’une sorcellerie qui était à bannir, qui représentait l’antéchrist de l’Eglise. Un couple qui ne sortait que pour des occasions inconnues aux autres habitants du quartier, qui avait été aperçu dans des endroits qui ne se fréquentaient pas, tout comme eux. Un homme avait prétendu les voir passer un mur après que les briques s’en soient écartées, depuis, dans toute la cohérence de son récit, il se trouvait dans un asile. Un asile pour les fous. Ce a quoi servait un asile. A recueillir les persécutés. Passons.
On entendait la résonance d’un nouveau coup de poing, contre le mur cette fois-ci. Les passants observèrent la maison d’un œil hagard et continuèrent vivement leur chemin, accélérant le pas pour certains, disparaissant à l’angle d’une rue voisine pour d’autres. La plainte d’une supplication frappa contre les parois de l’embryon. La voix d’une femme désolée retentissait dans l’écho de la pièce, suppliant, suppliant son mari d’écarter sa main. Que de supplications veines.
« Je ne veux pas de fille, aussi pur soit-elle par notre sang, elle n’aura pas sa place dans cette famille ! Ignoble sorcière, monstre, incarnation de l’infamie, tu déshonores notre nom ! »
La main s’abattit. Valsant de l’autre côté de la pièce, une faible caresse souffla la peau de ce nombril qui couvrait la vie. La femme, recueillit par le mur dans sa chute, n’osait prononcer un mot de plus, n’osait retirer sa main de son ventre, de peur que son geste soit mal interprété et qu’une autre gifle vienne lui balafrer le visage. Il l’avait dit, elle déshonorait leur famille. Elle était incapable de lui donner un fils. Elle n’était qu’une sorcière au Sang Pur qu’il avait repêché pour s’élever encore un peu dans la société. Il ne voulait pas d’une fille qui ne le succéderait pas au Ministère de la Magie. C’était à se demander s’il voulait encore d’elle-même.
Dehors, le silence se fit.
Dehors, sans savoir la nature de ces supplices, on savait que c’était l’histoire d’une fin.
Dehors, on savait que cette histoire d’une fin n’était que celle d’un début.
Chapitre deux.
L’été de mes onze ans.
Ma véritable naissance.
Cette lettre était étrangement cachetée d’un rond rouge sang. Elle arborait en son verso l’effigie d’un écusson complexe de quatre emblèmes. Elle était fabuleusement belle, contrairement à ce qu’on pouvait penser de la simplicité d’une lettre. Tellement que je refusais de la manipuler comme une vulgaire lettre que je n’ai jamais reçu. En réalité, c’était mon premier écrit. La première chose qui m’était réellement destinée. Elle portait mon nom, même si je savais qu’il n’était pas vraiment le mien, mon prénom, l’adresse de l’endroit où je me trouvais. Elle en était presque intimidante.
Mais je l’ouvrais.
Le même emblème ornait le haut de la page, elle-même finement tracé d’une écriture longiligne, ne venant pas d’une main directe. Je savais depuis sa naissance que j’étais différente. La dame me l’avait dit ma différence, d’où elle venait. J’en étais même méprisée. Mais que m’importait-il ? En septembre, je partirai définitivement. Je quitterais cet endroit et m’arrangerais pour ne pas y revenir. Je trouverais dans cette école le refuge que je souhaitais. Cette école dont on m’avait longuement parlé, pour me dire qu’on avait en hâte que je m’y rende, que j’y déguerpisse et que je ne revienne plus.
Pourquoi s’éterniser sur ce chapitre ?
C’est ce que je fis.
Je disparus.
Chapitre trois.
J’étais affreusement seule. Cette table me paraissait tout aussi immense que le train dans lequel j’avais du grimper sur un quai de gare que j’avais été incapable de passer avant une bonne demi-heure. Comment était-il possible de traverser un mur de pierre ? J’en riais encore.
Tout était fabuleux. Ce n’est pas comme si vous ne connaissiez pas l’endroit, et que vous n’aviez pas ressenti ce même éclat dans vos prunelles et dans votre cœur lorsque vous aviez aperçu les tours du château de sorcellerie d’Angleterre. Je ne m’attarderai pas sur les détails, toujours est-il que je me construisais enfin un monde censé. Un monde dans lequel je me plairais et dans lequel on m’aimerait. Du moins, je ferais en sorte que l’on m’aime.
Je fus expédiée à Serdaigle. Ce fut une longue décision pour la Choixpeau magique.
« Le Sang Pur, le caractère forgé.
L’indécence et l’insolence d’un esprit allumé.
Je sens en elle les vertus d’une quête de savoir.
Mais aussi la puissance d’un pouvoir affreusement noir.
Le savoir serait-il plus puissant que l’attraction de cette magie ?
Préféras-tu user de stratégie ?
Dans tous les cas ta place n’est pas chez les verts,
Tu es trop proche d’une ambition presque vulgaire.
Serdaigle ! »Ainsi avais-je rejoint les bleus et argent dans les applaudissements des anciens et des quelques nouveaux venus avant moi. Fière, je l'étais. Mais je ne m’étais pas attendu à rejoindre une maison aussi sage lorsque j’avais parfaitement conscience de l’esprit que je développais. Le Choixpeau l’avait dis, ma place n’était pas chez les verts, mais ma quête de puissance autant que celle du savoir dérogeait à la règle des bleus. Quoique, plutôt heureuse, je commençais ma première année à Poudlard.
Cette phrase paraîtra ridicule et provoquera peut-être de la pitié, mais j’eus une vie sociale. Je me fis des amis dans ma maison et partageais le lit à côté du mien avec une fille de mon âge qui m’appréciait. Son sang n’était pas pur, je ne savais comment le prendre, mais je l’aimais bien. En réalité, je fréquentais peu de personnes venant de Gryffondor, Poufsouffle ou Serpentard.
Puis, je finis par croiser son regard.
Chapitre quatre.
Sahel Selwyn était âgé de quatre ans de plus que moi et occupait les rangs des Serpentard depuis quatre années déjà. Il était beau, bien sûr. Il était grand, il avait ce charme qui vous envoûte et qui ne vous lâche plus. Il avait ces yeux d’un bleu azur qui, lorsqu’ils daignaient vous accorder un regard, vous donnait la sensation de vous perdre dans un autre monde. Dans un monde que lui seul pouvait contrôler, comprendre et apprivoiser. Dans un monde auquel vous aimeriez forcément faire partie. Alors obligatoirement, lorsque mon regard croisa le sien, j’en tombais amoureuse. Ridicule, n’est-ce pas ? Surtout lorsqu’on pensait au fait que leur différence d’âge était fortement marquée par leurs années au château. Il semblait improbable qu’un jour, il ose faire attention à une petite brune, prenant soin d’elle comme elle le pouvait mais ne cherchant pas à s’imposer.
Et pourtant.
Flashback
« Tu es en première année ? »
Le regard de la jeune fille pivota pour revenir en arrière. Dieu que ce garçon l’intimidait. Ses traits fabuleusement prononcés laissaient à penser qu’il méprisait le monde. Sa voix rocailleuse mais douce à la fois contredisait ce sentiment. Une mèche de sa chevelure blonde se faisait rebelle, glissant sur son front pour venir le barrer, toujours avec ce même charme. Sûrement devenait-elle rouge comme une pivoine, puisque, sous l’effet de la surprise qu’il lui adresse enfin la parole après une année passée à l’admirer, elle balbutia.
« Deuxième, maintenant.
- Je ne t’ai jamais remarqué, avant. »
Ce qui n’était pas son cas, pensa-t-elle dans un demi-sourire invisible.
« Tu viens te balader ? Il fait beau, profitons-en. »
Ainsi, voilà comment un Serpentard et une Serdaigle se rendirent côte à côte dans le parc du château, plus précisément aux côtés du lac afin de discuter de tout et de rien. Autant lui, paraissait très à l’aise, autant Nienna faisait attention au moindre de ses gestes. Elle avait de la conversation, oui, mais elle esquivait les questions indiscrètes au sujet d’une famille qu’elle ne connaissait pas. Les seules précisions qu’elle lui donnait étaient sa pureté de sang. Elle ne voulait pas de sa pitié. Il semblait lui accorder une véritable attention qui la touchait.
Leur amitié fit tourner les rumeurs au sein des couloirs du château. Il n’était non pas rare que des personnes avec une certaine différence d’âge se lient d’amitié, mais plutôt peu fréquent que ces mêmes personnes soient aussi proches au point que des questions quant à une unique camaraderie se posent. Cependant, ils les ignoraient. Puis, fut un jour où tout dérailla en une parole.
« Nienna, j’ai pioché dans les arbres généalogiques. »
Ce n’était plus de l’appréhension. C’était tout simplement de la peur quant aux impressions qu’elle pouvait faire à Sahel, qui lui rongeait l’estomac. Déjà, elle avait ce caractère glaciale qui en frustrait plus d'un. Elle se forgeait depuis sa première année, elle refusait quoique ce soit venant de qui que ce soit. Alors elle ne lui avait pas menti, non, simplement omis. Et lui avait cherché la cause de son existence sans qu’elle le sache.
« Tu as fais quoi ?
- Tu as très bien compris. Pourquoi tu m’as caché que tu n’as jamais connu tes parents ? Pourquoi tu m’as fais croire qu’ils étaient morts ?
- Ils sont morts à mes yeux. Tu n’avais pas à faire ça. Je te déteste. »
Et ils s’étaient quittés. Elle était partie en furie et en larmes des cachots après cette discussion. Elle n’avait pas compris pourquoi il avait fait ça. Elle lui en voulait. Elle souhaitait l’impardonnable qu’il ait découvert avant elle ce qu’était et qui était sa famille. Elle le haïssait.
Flashback.
Chapitre cinq.
« Nienna, attends, s’il te plaît.
- Tu n’avais pas à faire ça, Sahel !
- Je sais, je suis désolé. Pardonnes-moi, s’il te plaît. »
Par pur hasard, nous nous étions croisé dans les couloirs du château après des semaines où nous nous évitions. La nuit tombait déjà et mon anniversaire était passé. Sahel m’avait envoyé un médaillon à mes initiales, par le biais d’un élève de Serdaigle. Je n’en avais été que plus agacée de sa lâcheté. Je devais tout de même reconnaître son courage en ce soir là, où il osa m’affronter alors que j’armais ma baguette. Il me savait profondément vexée. Il me savait rancunière. Mais il s’obstinait. Je me demandais encore pourquoi il se trouvait à Serpentard, hormis le fait qu’il soit fils d’un Mangemort. Avait-il été étiqueté suite à ça ? Juste parce qu’il était le fils de ? Le Choixpeau magique n’était pas réputée pour ce genre de tri. Mais qu’en savait-elle ? Une fois, il avait eu cette image semblable à celle des Serpentard. Hautain. Méprisant. Détestable. Cette fois-ci, elle avait cru voir une autre personne. Mais la minute qui suivit, il était redevenu ce même homme aux allures si différentes de ses camarades.
« Je ne peux pas.
- Tu ne peux pas ou tu ne veux pas ?
- Les deux. »
Je lui tournais catégoriquement le dos. J’avais abaissé ma baguette devant le ridicule de la situation.
« Nienna, écoute-moi.
- Je fais quoi là, à ton avis ?
- Je t’aime. »
Cette voix qui se cassait sous l’émotion.
Ce désespoir de dire une vérité qui les condamnerait.
Cet aveu si sincère qu’il en détruisait une amitié.
Ce regard échangé, qui avoua l’échange des mêmes sentiments.
Je l’aimais. Peut-être autant qu’il prétendait m’aimer.
Le couple faisait parler de lui, il attirait les regards, la jalousie de certains, le mépris de d’autres. Certains se demandaient comme j’avais pu le séduire, moi, une jeune fille dont on ne savait rien et qui ne venait de rien. Nous en rions parfois. Nous vivions. Il termina ses deux dernières années à Poudlard et rejoignit les rangs du Ministère de la Magie, se construisant une réputation bien qu’on parlait inlassablement de son amie encore en étude. Ils avaient osés. Ils avaient vécus. Et ils avaient réussis à faire tenir leur histoire contre le gré de tous, sauf celui des parents de Sahel, qui défendaient bec et ongles les valeurs de notre couple et qui voyaient en moi l’épouse idéale et respectueuse.
Je ne les décevais pas.
Chapitre six.
Je devins Madame Selwyn le dix-huit mai deux mille onze. J’avais rejoins ses idéaux de Sang Pur et je l’affirmais, assumant toutes mes responsabilités envers le Ministère de la Magie pour lequel celui que je pouvais maintenant appeler « mon mari » appartenait toujours. Le mariage fut simple, il se fit dans le manoir des Selwyn, avec toute la famille et les amis de cette-dernière. Je n’avais invité personne de mes anciens camarades au château, ils ne faisaient plus partie de ma vie et je n’avais pas lieu d’avoir des amis aussi hypocrites, qui resteraient dans leur cage et qui ne tenteraient jamais de s’élever. J’avais ce sentiment de perte. Mais j’avais à mes côtés celui qui m’importait le plus et qui me donnait l’amour suffisant à mon bonheur.
Alors, l’année suivante, je lui donnai un fils. Joshua Selwyn vint au monde dans le manoir de ce qui serait sa famille. A présent, nous n’étions plus deux, mais trois et affichions l’image d’une fratrie unie que je m’acharnai à préserver. J’aimais mon fils comme j’aimais mon mari. Ils étaient tout ce dont j’avais besoin et tout ce dont pourquoi je m’entêtai à vivre. Nous vécûmes heureux dans les premières années de notre fils. Profondément heureux. Nous ne reflétions pas cette image qui avait pu être celle des Mangemorts, commune à tout ce qui représentait la dextérité d’un mépris obligatoirement appliqué. Nous ne rejetions personne. Mais nous ne fréquentions pas n’importe qui. Nous attirions toujours cette jalousie d’un couple qui se fixait dans le temps, qui avait osé vaincre les idéaux d’une société. C’était plaisant.
Aujourd’hui, Joshua a onze ans. Il fait sa première année à Poudlard et Sahel occupe la place de directeur de l’organisation internationale du commerce magique dans le département de la coopération magique internationale au Ministère. Nous sommes une famille simple, unie.
Mes occupations ? Cela ne vous rassurerait pas de les savoir.
Fin.